11 août 2006

Batterie'Story



C’est l’histoire de deux amoureux qui veulent se retrouver. Ils ont leur batterie d’amour déchargée.
En fait, ya un amoureux qui est à la pêche (c’est le garçon) et l’amoureuse elle, elle est au travail. Parce que dans une fabrique de gâteaux, il y a beaucoup de travail en été ; et oui, il faut les créer les goûters des enfants pour la rentrée.

Lui, il est à la pêche depuis deux jours, et deux jours pour des amoureux, c’est très très très long. Ils se téléphonent très souvent, mais c’est pas pareil quand même au niveau du rechargement de leur batterie d’amour.
Alors ce soir là, elle sort de son travail et part à sa recherche, accompagnée d’un plan qu’elle a imprimé sur Internet (ils aiment bien Internet elle et lui…).

Elle roule, vraiment impatiente, pendant que lui, il rame sur son Zodiac, mais ça c’est juste avant de trouver un gentil monsieur en ski nautique qui va lui proposer de le remorquer.
Presque arrivée, elle peut pas s’empêcher de l’appeler pour voir où il est, et s’il est arrivé.
Ils se cherchent un peu, et quand il la repère, il lui fait peur en lui faisant croire qu’elle s’est trompée de plage.
Alors ils se retrouvent enfin et ils se sautent dans les bras. A ce moment là, on voit très bien qu’ils sont amoureux fous !

Ils ne perdent pas de temps alors ils prennent vite le pique-nique et cherchent un petit coin tranquille pour manger au bord du lac.
Ils en trouvent un tout bien, ensuite ils s’installent et commencent à manger car lui, il a très faim, c’est pas très bon les boîtes de conserve finalement.
Après ils parlent et lui, il lui explique la météo : il voit qu’il pleut au loin sur le lac, parce que le ciel est net, après c’est trouble, et après ça redevient net. Ca veut dire qu’il pleut.
Et ça lui fait réfléchir que peut-être il pourrait pleuvoir sur eux bientôt… Elle est pas contente quand il dit qu’il faut retourner à l’abris dans la voiture. Ils ont raison parce que les nuages, ils sont quand même bien gris.

Ils rattroupent tout et courent avec leurs tongs se mettre dans la voiture. Là, c’est vrai, il pleut pas, mais du coup, il fait chaud. Ils continuent de manger, mais c’est sûr, c’est moins romantique !
Alors ils ouvrent les vitres électriques, et les referment quand la pluie rentre dans la voiture. Ils se mettent de la musique, ça c’est pratique au moins. Elle hésite même à mettre l’air tout froid de la climatisation, mais il lui dit que ça va décharger… que ça va décharger… LA BATTERIE …
C’est vrai que c’est pas le coup de la panne qui le dérangerait, mais il pense surtout qu’il va devoir ramer deux heures pour repartir, et en plus, sous la pluie.

A un moment, ils se disent qu’il va falloir se quitter parce que ça va pas être facile s’il doit longer les rives parce qu’il sera dans le noir.
Les batteries sont loins d’être au max, mais elles ont repris du poil de la bête.
Alors ils sortent de la voiture et là, ils se font plein de gros bisous tristes.
Il s’éloigne, et elle, elle remonte dans la voiture. Ils sont heureux, mais un peu moins que quand ils sont tous les deux…

Et c’est là que l’histoire enfantine, simple, naturelle, légère et naïve s’arrête.

La vie des grands reprend alors le dessus :
La voiture ne démarre pas, panne de batterie, plus moyen de démarrer, la panique s’installe, sa vie défile dans sa tête (non, quand même pas). Ce qui défile c’est plutôt : « Elle démarre pas… batterie… vitres électriques, pourtant c’est bizarre, l’autre fois, on a dû plus la solliciter, et elle n’a pas bronché… Rémy est en train de s’éloigner, qu’est ce que je fais, je peux encore le rattraper, mais lui, il doit partir, je vais pas l’embêter avec ça, je vais me débrouiller… mais quand même, je ne suis qu’une pauvre femme devant l’immensité mécanique, peut être qu’il y a un moyen de la forcer à démarrer, de la faire brouter un peu…et vrouuuum ! … »
Je sors et : « Rémyyyyyyyyyyyyyyyyyy !!!?!! »
Il continue de marcher, me tournant le dos.
« REEEEEEEEEEEEEEEEEMYYYYYYYYYYY !!!!!! »
Enfin, il se retourne...; inquiet et interrogatif, à l’affut de mes prochains mots…Puis, je le vois partir, au ralentit, tel le sauveur, lachant les choses qui encombrent ses mains, arrachant son tee-shirt qui le gêne pour courir, les cheveux au vent, le visage déformé par la vitesse,…….
Heu non, ça c’est dans les films…
Bon bref, je lui dis que je ne démarre plus… Fidèle à lui-même… : il va vérifier… hum (sans commentaire)…
Ouaip, la batterie est bien morte.
Le réflexe « j’appelle mes amis » est en marche, quand tout à coup vision d’horreur : mon nouveau téléphone high-tech n’a pas trouvé le moyen d’avoir de la batterie en réserve lui non plus. (Cela me fait réfléchir, au passage, à la dépendance que l’on a pour tous ces ustensiles modernes, qui en plus ne répondent pas présents quand on a vraiment besoin d’eux).
Le premier ami n’allume jamais son portable le soir : je tombe direct sur le répondeur.
Le deuxième ami répond présent et a quasi décollé à l’annonce de mon problème lorsque je lui dis que je vais rappeler le premier ami sur son téléphone fixe (une valeur sûre celui-là) étant donné qu’il habite quand même plus près. Coupé dans son élan (les pinces croco déjà en main peut-être), il me donne le numéro de fixe en question.
Une fois assurée qu’un fidèle collègue viendrait m’aider, je libère mon Rémy tout inquiet et le prie de bien vouloir prendre le large, insistant sur le fait que j’étais dans une situation plus facile que la sienne. Second déchirement donc.
Pendant ce temps là, je décide d’appeler le premier ami en usant encore un peu plus de la batterie de téléphone…
Autre monde : dans la lueur de la lampe à économie d’énergie, touillant un arabica bio commerce équitable, Eric regarde Arté, une émission sur les habitudes de reproduction des caméléons en Ouganda. Le son stridant d’un appareil moderne le sort de sa douce torpeur… il est dans un état second quand sa petite femme lui passe l’affreux combiné qui va le rattacher soudainement à la vie moderne et repoussante.
« Eric bonsoir…. Heu, pas beaucoup de batterie… heu dans le téléphone aussi oui… oui… non… ben sur le lac… non, je suis toute seule… t’as des pinces ?… diesel… cool… ça te dérange pas de venir ?… »
Je lui explique rapidement où je suis, on ne se comprend pas, je ne sais pas si c’est moi qui stresse à l’idée que toutes mes batteries me lâchent ou si c’est lui qui émerge.
Je raccroche, me retrouvant seule dans la nuit qui commence à pointer le bout de son nez. J’ai envie de faire pipi… la dernière crainte que je ne voulais pas avoir…
Tout à coup, le téléphone a l’audace de vibrer dans ma poche, me voyant déjà naufragée avec un téléphone sans batterie, je le sors avec colère, et voit que Sophie essaie de me joindre. Et là, je fais un truc que je n’ai JAMAIS fait : couper l’appel et renvoyer l’appelant sur mon répondeur… je suis un peu gênée… mais c’est une question de vie ou de mort (oui bon... presque !), je DOIS préserver au moins la batterie de mon portable. Et là, il re-vibre ! « vous avez un message ! » Ouiiiiiiii, je saiiiiis ! mais tu arrêtes de vibrer d’accord !!? Et toutes les 5 min, mon fidèle répondeur a fait vibrer l’objet, au cas où je n’aurais pas compris que je devais écouter mes messages…
M’ennuyant et stressant pendant la demi-heure d’attente, je m’en vais à l’aventure sur les routes murées de pins et de fougères, me munissant de mon parapluie cassé qui traînait depuis des lustres au fond de mon coffre, sans vraiment avoir l’envie de rendre service à la prochaine personne qui le verrait. Bref, je pars à la rencontre de la voiture amie, la nuit se faisant de plus en plus oppressante… Tout ça n’arrange évidemment pas mon envie naturelle du moment.
Je décide tout de même de me soulager la p’tite poche élastique bien pratique mais aussi bien remplie, dans un fourré d’où risque de sortir un car de touristes d’un moment à l’autre, me découvrant dans la position la plus féminine qui soit, dans la pénombre, le parapluie posé sur l’épaule. Bon, pour le car de touristes, c’était juste une impression, c’était désert à des kilomètres à la ronde… Qui aurait l’idée de venir traîner par là à cette heure…
Ah si, deux phares s’approchent…, je ne vois pas bien, éblouie,… si ! C’est bien Eric et sa p’tite femme. Déstressée par le petit détour dans les fougères glauques, mais stressée quand même, je monte à l’arrière, oubliant de dire bonjour à Fabienne (pas à Eric, je l’ai déjà supporté toute la journée).
Le bout de route que l’on fait me paraît long, pourtant, je viens de le faire à pied…
Nous arrivons sur le lieu du drame. Je réalise qu’il y a une cahute avec une loupiotte, ce qui indique que nous ne sommes finalement pas les seuls à errer sur ce parking.
Eric prend en main les affaires sérieuses, en sortant ses pinces croco d’expert…, achetées à Brico-Dépôt « au-cas-où ». Il ne faut à présent pas perdre de temps… nous n’y voyons plus rien, à peine la différence entre un fil rouge et un noir…
Nous découvrons de façon flagrante par contre, que les pinces en question sont mortes… cassées en deux… après trois tentatives de réanimation, deux gouttes de sueur dûes au stress et un court moment de réflexion, Eric se redresse, et à la lueur de mon téléphone-lampe de poche (je vous dis que c’est beau la technologie !) en mode batterie faible (… mouais…), se dirige d’un pas ferme vers une voiture occupée d’autres êtres humains qui n’ont, eux, pas l’air en difficulté. Quelques mots échangés, et la voiture détale, faisant crisser je ne sais comment ses pneux sur les épines de pin sèches…

Eric revient et annonce que ces gens vont revenir bientôt avec des pinces en état. On y croit à fond, on essai de penser qu’il y a des gens sympas sur Terre.
La nuit est bien tombée maintenant, on met en place les deux voitures face à face pour préparer le terrain à la voiture blanche qui va surement, peut-être, éventuellement, peut-être pas, probablement, invraisemblablement revenir…

Et elle reviendra. Le conducteur furtif agira en chef, avec des pinces de pro, des gestes précis de connaisseur, et une promptitude qui nous laissera bouche-bée. Il repartira dans un merci reconnaissant et impressionné, dans le ronronnement des DEUX moteurs.

C’est là qu’Eric à la présence d’esprit de me rappeler qu’il ne faudra pas câler. On décide de se suivre sur le chemin du retour pour sécuriser le risque.

Je n’ai jamais autant eu peur de câler bêtement à l’entrée d’un rond point ou à l’arrivée sur un feu rouge… non, même quand j’ai passé le permis, j’étais plus rassurée…

Pour vérifier que ma batterie de téléphone n’était pas vide, et histoire de prendre encore un petit risque, j’ai rappelé Rémy, qui a mis 1h30 sous la pluie pour rentrer dans son campement de célibataire bredouille. Tout allait bien donc, mais la batterie d’amour se déchargeait déjà à vue d’œil…